LA PATAGONIE

w a l l m a p u (2021)

Synopsis:

 » Depuis des années, Jean-Hugues part découvrir le monde pour s’intéresser aux peuples opprimés et aux espaces naturels en danger. Début 2020, il s’en va sans date de retour parcourir le Wallmapu, le territoire ancestral des Amérindiens mapuche, au Chili. Il souhaite éprouver par ses propres moyens la vie dans les Andes en descendant leurs rivières sauvages, et filmer la lutte d’un peuple défendant ses terres : le climat politique national tendu est catalysé par la mentalité guerrière des Mapuche. Manifestations et affrontements éclatent en ville alors que la pandémie mondiale se répand à travers l’Amérique latine, contraignant Jean-Hugues à s’isoler. Il se retranche dans une cabane reculée où à sa quête de rencontres succède une exploration du silence et des solitudes en forêt. Ce récit revient sur plus d’une année de sorties en forêt, d’aventures en montagne et d’autres événements improbables qui le connectent à la terre des Mapuche. « 

Avis:

 » Filmé comme un journal de bord, ce trip movie témoigne de la solitude du voyage, du sentiment
presque dépressif que partage ce jeune homme au milieu de paysages sublimes. Il a voulu partir
en solo, il en paye le prix en pleine crise du Covid.  »  JOURNAL DU TELERAMA

Note de réalisaion de JH GOORIS:

“ Pourquoi le Wallmapu?
Quand j’ai découvert que Mapuche signifie “gens de la terre” en mapudungun, cela a suffit à m’interpeller fortement. Avant l’arrivée des Espagnols, ils occupaient un large territoire de part et d’autres de la Cordillère des Andes. Au XVe siècle, ils mettent en échec la conquête des Incas, qui ne réussira pas à les assujettir, pas
plus que le colonisateur espagnol quelques décennies plus tard. Toute cette histoire me semble tellement méconnue et pourtant tellement inspirante. Ils combattent pour éviter la destruction et se relever des différentes agressions, le mouvement qui m’a animé dans mes voyages est le même : se sentir détruit, puis se relever.

Tout d’un coup, éclate la révolution chilienne en octobre 2019. Mais, je ne parle pas encore espagnol à ce moment-là. J’hésite à partir sans traducteur, en sachant que les conversations vont être intenses. Malgré tout, je suis parti seul, en laissant une place à l’improvisation et à l’apprentissage.

Objectif de l’aventure avant la pandémie: un voyage itinérant à travers lacs, rivières et montagnes dans les
régions majestueuses de la Patagonie pour monter vers l’Araucanie au coeur du Wallmapu. La marche et le packraft (canot gonflable) offrent la lenteur de la contemplation, et je n’ai jamais procédé autrement pour apprécier et filmer la nature. C’est un mode d’action qui a failli me coûter la vie, mais que je réitère régulièrement pour arpenter la vie dans sa dimension sauvage. Je me veux un porte-parole au plus près de l’action.

Je n’ai pas peur de plusieurs semaines d’autonomie en nature, et je n’ai pas peur non plus de m’infiltrer dans les cortèges avec ma caméra ou d’interviewer les activistes pour servir leur cause. La caméra est une arme, j’ai bien l’intention de le prouver à nouveau. N’ai-je pas réussi à faire remonter au Parlement européen les problèmes de préservation des vestiges soviétiques en Bulgarie, lors de ma virée sur le toit de Bouzloudja ? Déjà, une de mes actions de désobéissance civile servait à protéger un patrimoine humain en l’intégrant au projet Europa Nostra. Juste avant de partir, chez moi en Belgique, je me suis fait arrêter en pleine rue et confisquer mon matériel, puis abusé par la police (voir cette interview sur Lux TV).

Mon séjour sur place, au départ prévu entre 3 et 6 mois, se trouve prolongé pour un total d’un an et demi à cause de la pandémie mondiale de coronavirus et ce film est bien inscrit dans ce contexte unique. Le confinement sévère m’a rapproché d’une communauté Mapuche et des manifestations non loin du village, mais il m’a aussi fortement remis en question, car je suis passé de voyageur à habitant du village, avec des voisins, une nouvelle routine et besoins.

On note un rapprochement de fond entre ce que dénonce le peuple chilien dans son ensemble et les Mapuche depuis plusieurs décennies : les Chiliens, comme dans beaucoup d’endroits dans le monde, dénoncent les collusions entre gros industriels et le gouvernement, l’inégalité grandissante, les projets inutiles financés à coups de subventions publiques et, cela vient avec, la dévastation de milieux naturels. J’ai pu constater ce problème de
mes propres yeux lors de mon passage un an auparavant.

Mais je reste un voyageur avant d’être réalisateur professionel. Ce film est pour moi la rencontre logique de deux univers voués à coopérer, et c’est là qu’interviennent mes amis coréalisateurs Morgan et Brian de SOLIDREAM, afin d’apporter une dimension personnelle au film. Par moment, ce projet me dépasse et j’ai du mal à avouer mes sentiments à la caméra. Pour la première fois, j’avoue ma vulnérabilité. Durant cette longue période, la solitude me pèse par moment et mon cœur alors se perd dans une passion amoureuse intense avec une rencontre locale, que mes amis coréalisateurs lors de nos échanges téléphoniques filmés révèlent au public.

Le mot de la fin, c’est qu’avec notre équipe, mon histoire unique ici en Patagonie et mes convictions personnelles, ce projet de film s’inscrit dans un contexte d’éveil nécessaire des humains face à la crise écologique en cours. Une sorte de mondialisation des luttes en quelques sortes, contre ce qu’il ne faut pas avoir peur de nommer : un capitalisme démesuré. L’histoire des Mapuche nous le dit depuis longtemps, et je me propose en témoin privilégié pour les écouter, apprendre de leur sagesse et de leurs difficultés. Ce film est plus qu’un récit, c’est un extrait de vie sincère sur un projet lumineux qui a survécu à cette période ténébreuse de 2020. «